Situés à Oxford, les romans policiers de Colin Dexter ont inspiré trois séries TV britanniques autour de son personnage principal : l’inspecteur Endeavour Morse.
« Inspecteur Morse », la série initiale, puis « Inspecteur Lewis », centrée sur son adjoint, et enfin « Les enquêtes de Morse », racontant ses débuts de carrière.
Inspecteur Morse
Inspecteur Lewis
Les enquêtes de Morse
INSPECTEUR MORSE
De 1987 à 1993, la télévision britannique diffusera chaque année une saison de « Inspecteur Morse » (« Inspector Morse »), puis en 1995, 96, 97, 98, 2000, un épisode « hors saison » chaque année. Soit 33 épisodes, tous disponibles en DVD actuellement.
13 des épisodes sont des adaptations directes des romans de Colin Dexter, créateur du personnage, et adepte du caméo : il apparait fugacement dans chaque épisode télévisé. Un 14ème volume, (Morse’s Greatest Mystery), n’a pas encore été traduit.
Colin Dexter a transmis à son personnage certains aspects de sa personnalité : érudit (diplômé de Cambridge en 1953) , attaché à Oxford, amateur de bière, et mélomane. Atteint de surdité, il intégrera un personnage sourd dans le roman « Les silences du Professeur ».
Adepte des caméos, il apparait dans de nombreux épisodes des 3 séries, comme figurant, puis par allusions lorsque sa santé se dégrade, à partir de la saison 4 des « Enquêtes de Morse ».
Je n’ai lu qu’un seul des romans (Mort à Jéricho), après avoir regardé l’intégralité de la série télévisée plusieurs fois. J’ai moins aimé le personnage de Morse tel que décrit dans les romans, c’est pourquoi mon propos portera sur la série télévisée.
Elle décrit les enquêtes policières de l’inspecteur Morse, et de son adjoint le sergent Lewis, se déroulant majoritairement à Oxford, même si nos deux héros devront poursuivre certaines enquêtes en Italie, et même en Australie. Et parfois dans le passé. Comme souvent dans ce type de série, chaque épisode permet de découvrir un aspect de la vie britannique (cricket, chant choral, franc-maçonnerie, vie des professeurs et étudiants à Oxford…)
Morse est célibataire, très cultivé par rapport à la moyenne de ses collègues, amateur d’opéra, (de Wagner en particulier), de poésie, de littérature, cruciverbiste passionné et grand buveur de bière.
Il se déplace dans sa célèbre Jaguar MK2 rouge de 1960 immatriculée 248RPA. (On pouvait la louer pour 1500£ la demi-journée ici, mais il semble que ce ne soit plus le cas)
Il déteste son prénom « Endeavour » (« Effort »), et ne le révèle jamais, se faisant toujours appeler : Morse.
Son adjoint, Lewis est son antithèse : il aime sa vie de famille (marié, une fille et un fils). Sportif, bricoleur, terre à terre, il ne partage aucun des goûts de son patron, qui le critique souvent pour cela, et essaie de le convertir. Malgré certains tiraillements, Lewis est loyal et fidèle, et la complémentarité des personnages joue favorablement pour la résolution des enquêtes.
Quels sont les éléments qui rendent cette série aussi envoutante ?
J’ai commencé à acheter les DVD en 2011, (en manque de « Inspecteur Barnaby »), et les premiers épisodes avaient donc été tournés 25 ans auparavant.
Rien n’a vieilli. On s’habitue très vite au fait que les personnages n’aient ni mobile, ni ordinateur. La réalisation a été si soignée que l’on est en immersion totale, et on n’a qu’une envie : vite, voir les épisodes suivants…
En plus de la qualité des romans, bien sûr, et du travail des scénaristes, une des clés du succès est le casting.
John Thaw (1942 – 2002) : inspecteur Endeavour Morse
John Thaw a donné son visage, sa voix, son style et sa démarche à Morse (l’acteur a eu un accident dans son enfance, il en gardera une démarche étrange, que l’on remarque parfois dans certains épisodes)
Il incarne un policier intelligent, cultivé, cynique, parfois méprisant, qui fonctionne avec ses méthodes, et vit dans son monde. Il vit seul, boit beaucoup, écoute de la musique classique, chante parfois dans un chœur, et excelle dans les mots-croisés.
Ce personnage à priori détestable devient au fil des épisodes très attachant. On découvre sa solitude. Ses déboires amoureux sont permanents. S’il est attiré par une femme, elle va être assassinée, ou devenir criminelle, ou se servir de lui… Et il restera donc seul. Sa quête d’amour est parfois gênante, tant l’on ressent son manque affectif et son besoin. Son passé est très peu dévoilé, mais on comprend qu’il a eu son lot de souffrances. (on en saura plus dans la série récente « Les enquêtes de Morse », voir plus bas.)
Dans les tous derniers épisodes, le personnage a bien sur vieilli, on ressent son amertume par rapport à son métier. En effet, son patron le harcèle pour l’inciter à partir à la retraite, alors que lui n’en a aucune envie. Il rencontre enfin une femme avec laquelle il va vivre une belle histoire, et puis il va tomber malade, et dans le dernier épisode, il meurt… Son adjoint Lewis lui fait ses adieux dans une scène très émouvante. Et l’on est fort triste, parce que c’est vraiment fini : Morse meurt dans le dernier épisode, tourné en 2000, et John Thaw décède en 2002…
Kevin Wathely (1951) : sergent Robert Lewis
Un des intérêts de la série est l’évolution de la relation entre Morse et son sergent. Le hasard va les faire travailler ensemble, et leurs différences vont devenir des atouts. Lewis, plus jeune, peu cultivé, mais intelligent, va faire des débuts maladroits, et son patron ne se privera pas de le lui faire remarquer.
Il va apprendre, par lui-même, et aussi par Morse, et gagner en efficacité, prendre de l’épaisseur. S’il reste éternellement loyal, et généralement assez stoïque, il saura faire savoir à son patron quand celui-ci dépasse les bornes.
A l’aise dans sa vie, il trouve son équilibre auprès de sa femme et de ses deux enfants (garçon et fille), omniprésents dans la série bien qu’on ne les voie jamais.
Vers la fin de la série, il va sauver Morse, en mauvaise position. Et au fur et à mesure que Morse se rapproche de la retraite, on comprend que Lewis sera bientôt à son tour inspecteur.
Le reste du casting est parfait, les acteurs invités, habitués des séries britanniques sont tous excellents, et les personnages récurrents (super intendant, légistes…) excellents.
La musique est indissociable de la série. Si les épisodes sont souvent illustrés par de grandes œuvres classiques, en particulier de magnifiques extraits lyriques, le générique de Barrington Pheloung est tout simplement magistral, hypnotique. Une phrase très mélancolique, en mineur, à laquelle se superpose, lancinant, le code en morse de… Morse :
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Barrington Pheloung apparait d’ailleurs dans certains épisodes, en chef de chœur.
INSPECTEUR LEWIS
De 2006 à 2015, Kevin Wathely va reprendre son rôle du policier Robert Lewis, maintenant devenu inspecteur.
Il revient à Oxford après un exil de deux ans dans les Îles Vierges, consécutif à la mort accidentelle de son épouse, renversée par un chauffard qui a pris la fuite.
Son adjoint est James Hathaway, interprété par Laurence Fox.
Comme dans la série Inspecteur Morse, chaque épisode nous fait découvrir les particularités de la vie britannique, majoritairement dans la magnifique ville d’Oxford et sa région.
Mais ici, les rôles sont inversés : Lewis est toujours le même, mais son adjoint est un érudit, qui a fait des études poussées à Cambridge, et aussi en théologie. Les deux hommes finiront par former une formidable équipe.
Très marqué par le décès de son épouse au début de la série, Lewis succombera à la fin au charme du médecin légiste Laura Hobson (Clare Holman)
En fin de saison 7, il prend sa retraite, mais revient en renfort au début de la saison 8, pour aider Hathaway devenu inspecteur à son tour…
La série s’arrête à la fin de la saison 9, les acteurs principaux ayant souhaité se consacrer à d’autres projets.
LES ENQUETES DE MORSE
Diffusée depuis 2012, la série « Les enquêtes de Morse » est une préquelle de la série Inspecteur Morse racontant les débuts de l’inspecteur Morse en 1965.
Après avoir quitté l’université d’Oxford et l’armée, le jeune Endeavour Morse (Shaun Evans) revient à Oxford, à la suite d’une affectation, en tant que policier. La culture acquise lors de ses études, la connaissance du milieu professoral et estudiantin, sa passion pour les mots croisés et l’opéra font de lui un policier perspicace et tenace malgré les réticences de sa hiérarchie et de ses jeunes collègues. Il trouve un appui auprès de son supérieur direct et mentor, Fred Thursday (Roger Allam), qui va le garder comme adjoint. Au fur et à mesure des enquêtes, on devine un passé familial et sentimental douloureux et on assiste à l’évolution d’Endeavour Morse vers l’adulte qu’il sera dans les romans de Colin Dexter et la série « Inspecteur Morse ».
La série se démarque des deux précédentes en ce sens qu’elle insiste beaucoup plus sur les particularités sociétales propres aux époques qu’elle traverse que sur la mise en valeur des paysages oxfordiens.
Elle commence en 1965, et s’applique à mettre en avant certains épisodes politiques historiques (grèves, visites de la Reine…) et les travers de l’époque : homophobie, sexisme, conditions de travail difficiles, avortement interdit…
Chaque nouvelle saison fait un bond dans le temps, et dans la saison 7, diffusée en 2020, nous sommes au milieu des années 70, alors que les séries Morse et Lewis sont beaucoup plus statiques.
Morse étant passionné d’opéra, les épisodes sont émaillés d’extraits d’œuvres classiques, et le titre de chacun, en un seul mot, a un caractère musical.
La musique du générique de la série originale, composée par Barrington Pheloung (décédé en 2019) accompagne le générique de fin de chaque épisode.
A la fin de l’épisode pilote, alors que la musique lancinante de « Inspecteur Morse » retentit, on aperçoit la jaguar MK1 de Morse, et l’on voit les yeux de l’acteur John Thaw dans le rétroviseur. Ce passage est très émouvant pour les amateurs de la série originale.
Autre particularité : dans cette série, l’actrice qui incarne la journaliste Dorothea Frazil de manière récurrente est Abigail Thaw, la fille de John Thaw, l’acteur principal de « Inspecteur Morse », décédé en 2002.
« Les enquêtes de Morse » devraient s’achever avec la saison 9, dont le tournage a démarré mi 2022.